Grand chambardement chez Harley Davidson en 2021 : après la Pan America posant ses jantes sur les sentiers empruntés par la BMW 1250 GS. Le nouveau Sportster 1250 S pointait le bout de son gros pneu avant pour bousculer le petit monde des bobbers bodybuildés.

L’American Dream de Harley Davidson

« Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage » nous enseignait déjà Nicolas Boileau au XVIIè siècle. Si Harley a pu se permettre d’oublier cet adage, il a bien fallu que la firme de Milwaukee se rende à l’évidence. Le monde change, et vite. Trop vite peut-être depuis le début du XXIè siècle. Alors, il a fallu tout repenser.

De Rewire en 2018 à Hardwire en 2021, avec un changement de CEO (de Matt Levatich à Jochen Zeitz) à la clé, H-D a mis les bouchées double tout en se serrant la ceinture. Rationalisation, réorganisation, épuration de gamme, et forcément innovations au programme : il y avait du pain sur la planche, et quelques tabous à briser.

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Le moteur historique, le Big Twin

Pas question de 4-cylindres en ligne bien sûr au pays du « big twin ». Mais sur ce point, reconnaissons que la sortie de la Livewire, en 2019, n’a pas manqué d’audace, alors qu’aucun « grand » constructeur moto n’avait encore osé franchir le pas de l’électrique.  Puis 2021, Harley part à la conquête de l’Ouest (européen…) avec son maxitrail Pan America (tout de même, ils n’allaient pas le baptiser Pan Germania !). Premier avatar d’une plateforme inédite, aussitôt étrennée, pour tourner la page des 883 et 1200, et ainsi faire place au nouveau Sportster…

Nouveau Sportster : Tabula Rasa

Il vous faudra tout oublier de l’ancien Sportster pour mieux découvrir le nouveau. Pourtant, quand nous y regardons de plus près, les principes de base de la recette de 1957 ont été conservés : puissance, légèreté et minimalisme sont toujours de rigueur. Mais encore une fois, les temps ont changé. Les ingrédients ne sont plus les mêmes. Et pour le coup, la bonne dose d’hormones mâles qui lie l’ensemble apporte enfin au nom du modèle sa légitimité.

Enfin un Sportster qui promet du sport ! À commencer par la ligne musculeuse et dense de ce bobber râblé fruit du mariage entre un Forty Eight et un Fat Bob. Au gros pneu avant type ballon chaussé sur une jante de 17 pouces à peine protégé par un micro-garde-boue. Ou encore son nez épaté, son profil plat à l’arrière tronqué, sa selle solo dans sa version stock. Mais aussi sa double sortie haute et imposante, son support de plaque déporté qui peinera à vous prémunir d’un dos repeint… Le tout pour laisser admirer l’impressionnant nouveau twin Revolution Max 1250 issu de la Pan Am, avec un « T » en plus ici pour Torque. Aux belles finitions côté droit répond un côté gauche plus torturé, avec pas mal de plastiques, fini le côté « bijou rustique » des 883 et 1200 à air !

Sportster : Retour aux sources

Négligemment posé dessus, le réservoir peanut n’en parait que plus petit. Sa contenance de 11,8 l, soit moins que sur le Forty Eight, vous assurera des pauses fréquentes (mais vous ne direz pas non !) Si elle impressionne un peu vue de l’extérieur, c’est en fait une moto plutôt compacte une fois que nous la chevauchons. L’élévation de la jambe droite est mesurée, et avec mon 1,60 m aux courtes jambes, pas de souci avec les 755 mm de hauteur de selle, à l’arcade assez fine, pour poser mes deux petons au sol.

Et pour causer encore aux petits gabarits… Sachez que le guidon, certes un peu éloigné et large, m’a laissé un bras de levier suffisant pour effectuer les manœuvres sans trop peiner. En revanche, les genoux des plus grands viendront parfois embrasser les poignées

Mid footpegs svp

Après avoir coché les cases « selle » et « guidon » d’un OK small friendly, venons-en aux commandes aux pieds. Troisième élément du fameux triangle de l’ergonomie. Et c’est là que pour moi le bât blesse. Bien que ces commandes avancées, exigées par le genre, ne le soient pas à l’excès (j’atteins tout à fait et le levier de vitesses et la pédale de frein), cette position, pieds en avant, tire à la fois sur les bras et les jambes. Les lombaires en faisant les frais, cela rend les longs trajets difficilement envisageables.

Heureusement, Harley avait anticipé et propose en option des mid footpegs (commandes médianes) : les petits profitent de meilleurs appuis aux pieds, pourront ainsi soulager leur dos et s’avancer davantage sur la selle afin de mieux attraper le guidon… Quelque 862 € à débourser en plus pour les plus petits pilotes. Mais indispensables à mon avis pour le confort et la maniabilité.

Sportster sportif

D’ailleurs, pour ce qui est de l’agilité, je m’attendais à pire au niveau du pneu avant. Son profil est suffisamment pointu pour compenser sa largeur de 160 mm (seulement 20 mm de moins qu’à l’arrière !). Et ainsi éviter l’effet enclume. Quoique… Une fois le pneu usé, c’est moins vrai ! Notez ici que les Dunlop GT503 développés spécialement pour la bête valent leur pesant d’or. À 500 euros le bout… Mais bref, ce Sportster est, pour une fois, vraiment léger (228 kg TPF, du jamais vu dans la famille !). Et cela, grâce à la conception moderne du châssis associant treillis tubulaire et moteur porteur. Bien sûr, ce n’est pas un monstre d’agilité, mais ce n’est pas non plus une plaie en ville.

Une facilité que nous retrouvons aussi sur route. Même si l’avant a tendance à « tomber » un peu sur l’angle et qu’en haussant le rythme dans les successions de virages ce Sportster demande qu’on s’en occupe un peu. Mais c’est qu’il en redemande le bougre, et ça, c’est assurément nouveau !

Agilité et dynamisme

Si ce ne sera pas le cas pour tout le monde, les commandes médianes nous ont justement permis d’adopter une position plus dynamique. Cela afin de mieux apprécier la fougue enthousiaste de ce nouveau twin de 122 ch à 7500 tr/min et 125 Nm à 6000 tr/min. Pour convenir au Sportster new age, le bicylindre de la Pan America a subi quelques modifications. Un peu moins puissant, il offre plus de couple, mais surtout ces performances apparaissent stratosphériques pour un Sportst’s. Aux antipodes des anciens 883 et 1200 Evo !

Pour la musicalité aussi, d’ailleurs, et l’on verse une larme sur feu le « potato potato » quand un tintement métallique assez discret nous accueille au démarrage, sans aucune vibration grâce au double balancier d’équilibrage… Mais trêve de nostalgie, car à la moindre pichenette sur la poignée de gaz ride by wire, le twin monte en régime sans aucune inertie, accompagné par la sonorité enivrante de l’admission dans les tours. Et il en prend, des tours : le mode Sport porte bien son nom !

Le Revolution Max dans l’air du temps

Étonnamment souple à bas régime et docile sous 4000 tr/min, le Revolution Max distille des accélérations démoniaques sans faiblir jusqu’à la zone rouge qu’il faut aller chercher à des hauteurs peu communes pour un « big twin », vers 8500 tr/min. Ça décoiffe ! Le tout sous surveillance de la centrale inertielle 6 axes prodiguant des assistances bienvenues (dont l’ABS en courbe). Et d’un freinage dont nous ne pouvons nous plaindre même si un seul disque officie à l’avant.

Et, est-ce un miracle de la modernité, Harley pense enfin aux petites mains, avec des leviers réglables. Menottes qui n’ont aucun mal à accéder aux nombreux boutons des commandes au guidon. Ces compagnons de l’électronique de pointe permettent de gérer les diverses infos du petit, mais joli écran TFT couleur.

Confort millimétré

Autre attribut dernier cri du tableau de bord, la connectivité, avec un GPS « turn by turn ». Et la présence d’une prise USB à gauche sous le guidon. Mais pourquoi fallait-il se compliquer la vie avec une commande de clignotants si peu intuitive ? Pratique en revanche, une molette permet de régler facilement la précharge de l’amortisseur.

Mais… vous avez dit amortisseur ? Ah, ce dernier parait absent ! Pour le coup, c’est assez classique pour un Sportster, toutefois avec 37 mm de débattement… C’est encore pire qu’avant, et si cela ne pose pas de souci sur un bitume tout lisse, c’est moins le cas sur des revêtements dégradés. Vous comprenez aussi pourquoi les pauses « refuel » fréquentes sont bienvenues. L’option selle confort est recommandée ! Tant qu’à faire, vous mettrez aussi le pouf, les repose-pieds. Et le sissy bar pour un éventuel invité, ou la jolie sacoche de voyage proposée au catalogue. Le banquier appréciera.

Et le passager lui rôtira gentiment au contact de la chaleur des silencieux. Ce dont le pilote est préservé par une protection thermique efficace (à tester en plein été toutefois). Avant de monter dessus, je craignais le pire pour ma courte jambe droite. Forcément, copine avec le collecteur à l’arrêt, mais non, pas de surchauffe à déplorer.

Résolument moderne et tout à fait décomplexé : cet ultime Sportster donne maintenant la réplique aux gros twins américains ou européens du genre. Et nous ne pouvons guère en vouloir à Harley de suivre cette voie. Surtout que malgré un prix en hausse bien sûr, il est diablement sexy !

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